Le supplice de la question… dans les entretiens d’embauche
L’entretien d’embauche est pour la plupart des candidats une épreuve qui génère plus ou moins de stress. Cette appréhension, selon les méthodes de la personne en charge du recrutement, peut parfois être assimilée au “supplice de la question” ; cette expression fait référence à une pratique médiévale et aux techniques de torture des bourreaux, professionnels fort sollicités durant le Moyen Âge.
Ces méthodes sont révolues et n’ont évidemment jamais cours lors des étapes de sélection d’un nouvel employé. Cependant, certaines sociétés, quand elles recrutent de nouveaux collaborateurs font usage de questions qui ont pour objet de dérouter les candidat(e)s, de les plonger dans un état de tension avancé, pour évaluer notamment leur adaptabilité, leur aplomb, leur niveau de résistance au stress.
Les questions, atypiques, absurdes, hors sujet…
On peut distinguer plusieurs typologies de questions perturbantes, déstabilisantes : il y a en particulier celles qui paraissent saugrenues, décalées, jouant sur l’absurde. Elles n’ont pas un caractère intrusif dans la vie personnelle ou professionnelle du candidat. Elles exigent un certain recul, un aplomb, de la répartie, une aisance dans l’exercice de l’entretien, une dose d’humour, de flegme pour ne pas prendre ce qui est demandé au premier degré.
Parmi ces interrogations décalées, atypiques on trouve par exemple ce type de question : si vous étiez une brique dans un mur, quelle brique seriez-vous, justifiez votre réponse ? Dans de grands groupes, certaines interrogations sont récurrentes, il est entre autres demandé de déterminer le nombre de salons de coiffure au Japon ou d’accordeurs de pianos dans le monde.
Chez Google, il était courant de demander aux candidats pour un emploi, de préciser le nombre de balles de golf que pourrait contenir un bus scolaire.
Les énigmes complexes et hors contextes
Pour certains postes exigeant à la fois du sang froid et de grandes capacités de logique et d’analyse, les recruteurs soumettent les candidats à des résolutions d’énigmes ou de problèmes complexes. On peut par exemple vous demander combien de fois, sur une horloge analogique, l’aiguille des heures se chevauche avec celle des minutes.
Dans la même démarche sur l’appréhension du temps, il peut arriver qu’on demande à des candidats d’expliquer comment mesurer neuf minutes en utilisant seulement un sablier de quatre minutes et sept minutes.
Les questions déroutantes mais cohérentes avec l’emploi proposé ou la société pour laquelle on postule
Chez Amazon, on soumet ce type de mise en situation : “Jeff Bezos entre dans votre bureau et vous dit : je vous donne un million de dollars, quelle entreprise décidez-vous de créer avec cet argent.” Si la probabilité que cette situation se produise réellement est faible, c’est un excellent prétexte pour tester l’envie d’entreprendre des employés et la nature de leurs objectifs professionnels.
Les interrogations insidieuses qui mettent mal à l’aise
Certains recruteurs demandent aux postulants de chanter une chanson, alors que l’emploi proposé n’a aucun lien avec l’industrie du disque ou le monde musical. Pourtant, ce type de défi a priori déroutant peut permettre de tester l’aplomb du candidat dans une prise de paroles face à un auditoire, à des clients…
Dès lors, il faut avoir une certaine aisance, face à un public même restreint. Si l’on est capable de pousser la chansonnette, nul doute qu’on sera à même d’animer une réunion ou une formation.
Certaines sociétés poussent ce procédé assez loin et flirtent avec les limites prévues par la loi. Leurs recruteurs peuvent « inviter » les candidats à dire s’ils ont déjà volé un stylo sur le lieu de travail ou de citer le nom d’un supérieur qu’ils n’appréciaient pas dans leurs précédents emplois.
Quels sont les recours, comment se protéger face à certaines questions lors des recrutements ?
En ce qui concerne les informations personnelles qui peuvent être demandées lors d’un entretien de recrutement, la loi pose un cadre rigoureux : les questions, qui n’ont aucun lien évident avec la nature du poste proposé, ni avec les capacités et les qualifications professionnelles requises, n’ont pas lieu d’être posées et rien n’oblige un candidat d’y répondre. “Les informations demandées au candidat servent uniquement à apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles (Article L1221-6 du Code du Travail).”
Cet article de loi met en avant deux principes fondamentaux, le droit au respect de la vie privée et le principe de non-discrimination (Article L1132-1 du Code du Travail). Un(e) candidat postulant(e) à un emploi ne peut être jugé que sur ses compétences et aucun autre critère. La notion de discrimination est effective lorsqu’un employeur traite différemment des salariés ou des candidats à un poste, selon les critères suivants : origines, sexe, situation familiale, orientation sexuelle, apparence physique, âge, santé, religion, convictions politiques, situation financière…
Se préparer pour limiter les surprises
Dans le cadre d’un recrutement, rien n’est plus normal que de poser des questions sur le parcours d’un candidat, ses compétences professionnelles, ses motivations et de le soumettre éventuellement à des tests en lien avec le poste pour lequel il candidate. En règle générale, même si ces entretiens peuvent générer une certaine dose de stress pour les candidats, ils se déroulent dans un climat de respect mutuel.
Quand ces conditions ne sont pas respectées, ce n’est pas uniquement le ou la candidat(e) qui est concerné(e), c’est aussi la réputation de la société qui est mise en cause. Les tensions liées à la situation économique peuvent induire des abus, des dérapages, mais le cadre légal permet de réagir et de signaler ces excès, ces situations inacceptables. Quoi qu’il en soit, les candidats doivent se préparer pour affronter cet exercice toujours délicat, et ce, même si l’entreprise est irréprochable dans le cadre de sa gestion des recrutements.